mercredi 27 juin 2012

Pour se requinquer


"Allez, je vous offre un petit quelque chose pour vous requinquer ?" Qui n'a pas utilisé cette expression ? Requinquer signifiant redonner des forces, du courage, de la santé à quelqu'un. Et bien, on peut dire que le Quinquina est bien requinquant ! En dehors de son utilisation en médicament antipaludique, il a donc pu être prescrit pour toutes les formes d'asthénies (grande faiblesse générale, manque d'appétit, convalescence) ainsi que les fortes fièvres notamment en cas de grippe. Malgré son efficacité, la présence d'alcaloïdes en quantité font que son usage en tant que médicament est à contrôler.

Plus original, Jean Anthelme Brillat-Savarin, en 1825 dans son ouvrage culte "Physiologie du Goût, ou Méditations de Gastronomie Transcendante" émet l'hypothèse que le Quinquina ait des propriétés anti-obésité :  "le quinquina élevant toutes les puissances vitales, peut donner à la circulation une activité qui trouble et dissipe les gaz destinés à devenir de la graisse." Il appelle les docteurs à expérimenter sa recette à base de vin blanc dans lequel on dissout de la poudre de quinquina, à avaler à jeun un jour sur deux. Je ne sais pas s'il a eu beaucoup de médecins volontaires.

Heureusement, une autre voie s'est ouverte pour le Quinquina ! Les boissons "bitter", en particulier les apéritifs...
Dans un contexte géopolitique d'empires coloniaux, où des peuples de l'Europe s'en allèrent planter leurs guêtres loin de leurs racines, nombre souffraient ou voulaient se préserver des fameuses fièvres et autres désagréments de santé. La réputation du Quinquina n'était plus à faire. Le mode d'administration traditionnel était de le mettre dans du vin. Le vin lui-même était recommandé à l'époque par les instances qui veillait sur notre santé. Donc :
Le Quinquina est bon,
le Quinquina se prend dans du vin,
Le vin est bon,
Donc un apéritif au Quinquina est bon.

CQFD comme on dit en mathématiques = ce qu'il fallait démontrer !

Plusieurs marques d'apéritifs toniques-amers contenant du quinquina ont vu le jour au XIXe siècle. Leur point commun : une décoction de plantes et d'épices dans du mistelle (moût de raisin dont la fermentation est bloquée par l'ajout d'alcool). La plupart vante les vertus "toniques" du Quinquina dans leurs publicités. La limite entre le vin médicamenteux et l'apéritif plaisir y est souvent ambiguë.

Il faut dire que certains de ces vins au Quinquina ont pour origine des mélanges de plantes en macération dans de l'alcool,  utilisés en médicament avant d'être améliorés et proposés en apéritif "bitter". C'est le cas, par exemple, du "Dubonnet", créé en 1846 à Paris par Joseph Dubonnet, chimiste de son état. Ainsi que de "l'Amer africain" créé en 1832 par Gaétan Picon à Alger, qui donnera ensuite "l'Amer Picon", bien connu chez les Ch'tis pour aromatiser la bière.

La marque Byrrh, créée en 1866 par les frères Violet dans le Roussillon, n'hésite pas à accoler le terme "hygiénique" à "tonique" dans ses publicités : "Il est, en même temps que le meilleur stimulant, un reconstituant de premier ordre, au goût savoureux, éminemment tonique et hygiénique. Il doit aux vins naturels, qui, seuls, servent à sa préparation, sa haute supériorité ; il emprunte aux substances amères avec lesquelles il est mis en contact un arôme agréable et de saines propriétés cordiales." 

L'histoire de l'invention du St Raphaël est la plus originale. Elle remonte à 1830. On raconte que son inventeur, le docteur Juppet se mit à perdre la vue alors qu'il travaillait à la mise au point d'un apéritif à base de quinquina. Désirant retrouver la vue pour pouvoir terminer ses recherches, il plaça son nouvel élixir sous l'invocation de l'Archange Raphaël qui guérit Tobias de sa cécité. 
Il élabora la recette de St Raphaël et ... recouvrit la vue !



Bon, vous n'êtes pas obligés de croire tout ce que les publicistes vous racontent.

Si la curiosité vous pousse à avoir envie de fabriquer votre apéritif maison au Quinquina, voici une recette simple de Ratafia :
Ingrédients pour 1 litre : 5 g d'écorce de Quinquina rouge, 1 litre de vin rouge, 1 g de grains de cardamone, 5 g de racine d'Angélique, 1 gousse de vanille, 10 g d'écorce d'Orange amère, 1 pincée de Cannelle.
Préparation : Dans un grand bocal hermétique, mettez le vin rouge, ajoutez l'écorce de Quinquina, la gousse de vanille coupée en morceaux, et toutes les autres plantes et épices. Laissez macérer le tout pendant 2 semaine au minimum en agitant chaque jour le bocal. Ensuite passez la macération dans un filtre de papier et mettez en bouteilles bouchées hermétiquement.

Mais je ne veux pas vous pousser à la consommation ! 


Si vous préférez, vous pouvez vous satisfaire d'une visite virtuelle. En cliquant sur le lien qui suit Le bistrot des vieux alcools, vous découvrirez une étonnante collection.

Comme le souligne ce collectionneur passionné :

"Le bistrot ne reste-t-il pas encore le seul endroit où l'on puisse aimer tout le monde ?"

Je vous laisse méditer sur cet aphorisme et vous donne rendez-vous pour la fin de mon article Z'amoureux sur le Quinquina, où nous allons prendre de la hauteur....


Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.








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