mercredi 15 octobre 2014

Une tête bien faite


Si vous avez suivi les recommandations pour casser une noix, vous avez obtenu deux magnifiques cerneaux blonds bilobés à la surface circonvolutionnée, évoquant vaguement des petits cerveaux. Et là, vous vous êtes pris à rêver que Dame Nature pouvait avoir semé des cailloux de similitude sur le chemin menant au déchiffrage des grand mystères de la Vie. Mais vous vous êtes très vite repris car "cogito ergo sum". Non, non, non, en bon cartésien que vous êtes, vous ne vous laisserez pas prendre aux pièges de la médecine des signatures qui prescrivait la noix pour les maux de tête ! Et pour éliminer votre migraine débutante, vous avalez vite fait un petit cachet blanc au paracétamol ...

La simple similitude de forme ou de couleur peut certes "marcher" dans certains cas. Ainsi, un lichen, la pulmonaire du Chêne (Lobaria pulmonaria), qui est un bon remède anticatarrhal, présente une analogie impressionnante avec l'aspect alvéolé des poumons. Mais réduire la théorie des signatures à ce raisonnement simpliste ne peut qu'aboutir à des mises en correspondance artificielles entre maux et remèdes présupposés. A la base, cette théorie est en fait tout un système de pensée et de conception du monde car comme le dit Pierre Lieuthagui "L'intelligence ne peut aller sans une mise en ordre des choses".


A l'origine de cette théorie des signatures, un homme célèbre mais très controversé, Paracelse (1493 - 1541). De son vrai nom, Theophraste Bombast von Hohenheim, Paracelse nacquit à Einsiedeln, en Suisse en 1493. Contemporain de Rabelais (v.1494 - 1553) et comme ce dernier, il aura une approche iconoclaste et sera volontiers provocateur. Ayant étudié la médecine dans les universités de Bâle, Vienne et Ferrare, Paracelse choisit d'apprendre à guérir en s'écartant des chemins traditionnels. Il élabore ses théories personnelles au contact de la nature, en rencontrant astrologues, guérisseurs, philosophes et alchimistes, en voyageant sur les routes d'Europe.

Il montre une autre façon de faire de la médecine, inspiré par l'étude de la nature, l'examen approfondie de la maladie et du malade, ainsi que sur la prise en compte de l'interdépendance avec l'environnement. Paracelse dénonce une médecine "des livres" qui s'éloigne du malade pour s'enfermer dans des systèmes de pensée figés. A cette époque, la médecine se définit d'ailleurs comme "la pratique de la philosophie naturelle sur le corps humain". Il est dit que Paracelse, par provocation, alla même jusqu'à brûler devant ses étudiants le "Canon de la médecine" d'Avicenne (980-1037), livre faisant référence avec les ouvrages de Galien (v.131-v.201) dans les universités de médecine de l'époque.

Pour Paracelse, la tâche du médecin consiste à s'efforcer de bien connaître les concordances, les correspondances entre les différents règnes de la nature. Paracelse a fortement critiqué les médecins qui se fondaient sur la proposition : "contraria contrariis curantur". Dans le Paragranum, il écrit : "L'axiome selon lequel les contraires guérissent les contraires, c'est-à-dire ce qui est froid expulse ce qui est chaud est entièrement faux. On doit plutôt dire : l'arcane (= le remède adéquat) et la maladie, voilà les contraires". Afin de corriger ces erreurs, Paracelse invite le médecin à raisonner suivant sa théorie des signatures ( "similia similibus curantur" = "les semblables guérissent les semblables") et à se fonder sur l'observation et sur l'expérimentation. 

Pour Paracelse, pour être "bon, utile et vrai" le remède doit être préparé sur des fondements solides. Dans le Discours de l'alchimie, troisième fondement de la médecine", Paracelse écrit : "...cette préparation des remèdes, c'est ici le souverain secret et la principale fin. A savoir qu'après que tu auras atteint la connaissance de la philosophie et astronomie, c'est-à-dire la nature des maladies et leur entière concordance, la plus grande chose et la principale conclusion, et le plus nécessaire point, est de savoir comme il te faut appliquer ce que tu fais." Afin de se distinguer de ses prédécesseurs alchimistes, Paracelse crée un nouveau terme, la "Spagyrie", afin de bien préciser l'objectif de ses expérimentations, c'est-à-dire préparer "les Elixirs capables de rendre à l'Homme la santé qu'il a perdue".

Novatrice, l'oeuvre de Paracelse allait modifier non seulement les prescriptions des médecins, mais aussi la préparation même des remèdes. Ce nouveau paradigme a exercé jusqu'aux temps modernes une influence majeure sur la médecine, la chimie, la pharmacologie.


Ainsi passe le temps et passent les Humains, et que se renouvelle en permanence notre conception du Monde, pour aller toujours plus loin vers la Connaissance. Cela passe souvent par des ruptures, des changements de point de vue, de paradigme. Ceci est valable aussi au cœur de nos vies et pour chacun de nous et ce ne sont pas des moments très agréables ! Aussi, je choisis pour conclure mon article Z'amoureux sur le Noyer, cet encouragement :

"Nous sommes comme les noix,
nous devons être brisés pour être découverts."

Khalil Gibran


Pour avancer un peu plus loin dans ce dictionnaire Z'amoureux des plantes compagnes, je vous invite  maintenant à partir au pays de "O" comme l'Olivier. Alors ...

Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.



dimanche 12 octobre 2014

Régalez-vous, vous êtes cerneaux !



Manger des noix est également très bon pour votre santé. A condition de ne pas trop en abuser, comme le soulignaient déjà les doctes docteurs de l'Ecole de Salerne (école de médecine au rayonnement important entre le Xe et le XIIIe siècle) :
"Une seule suffit : deux sont trop : l’homme sage
Se garde bien d’en manger trois."

En effet, les noix sont de véritables concentrés d'énergie (650 calories pour 100 g)  riches en matières grasses (environ 57% de lipides dans les noix sèches). 

Cela tombe bien car ces matières grasses sont indispensables à la santé.  Par exemple, elles contribuent à la régulation de la température corporelle, interviennent dans la synthèse des hormones, permettent l’absorption des vitamines A, D, E et K, procurent un sentiment de satiété, etc. De plus, les lipides de la noix contiennent peu d'acides gras saturés, mais une bonne proportion d'acides gras polyinsaturés, notamment de l'acide linoléique (AL) et de l'acide alpha-linolénique (AAL) que l'organisme humain est incapable de synthétiser (on les appelle des acides gras essentiels). L'huile de noix que l'on obtient par pression à froid, riche en Oméga 3 (AAL), parfumera délicatement vos salades et crudités. En raison de la présence d'acides gras polyinsaturés il faudra ne pas l'utiliser pour la cuisson des aliments, la stocker au frais et à l'abri de la lumière et ne pas la conserver trop longtemps.

Les noix contiennent également une quantité intéressante de minéraux tout aussi indispensables au bon fonctionnement de notre organisme (environ 1,98 grammes pour 100 grammes de noix) : potassium, phosphore, magnésium, calcium, manganèse, zinc, etc...Ça se bouscule au portillon !




Mais, Charles Trenet dans sa célèbre chanson  "Qu'il y a-t'il à l'intérieur d'une noix ?"  termine par :
Une noix ? Qu'est-ce qu'on y voit quand elle est ouverte
On n'a pas le temps d'y voir.  On la croque et puis bonsoir ....
Aussi, passons vite à la dégustation !

J'ai sélectionné quelques recettes simples, à lire, tester et approuver, voire plus si affinité. J'ai volontairement évité le(s) gâteau(x) aux noix, trop banal à mon goût. Enfin mon goût pour le choix des recettes et pas mon goût pour manger parce que j'adore ça le gâteau aux noix ! Je ne voudrai surtout pas vexer quelqu'un qui aurait envie de me préparer un gâteau aux noix et sans gluten !

Dans un livret de recettes à la gloire des noix du Périgord, j'ai sélectionné "Le Pistou noix, orties et magret fumé", en l'honneur de la belle "Urtica" à laquelle j'ai dédié un article. Pour 4 personnes vous aurez besoin d'1/2 baguette de pain, 90 grammes de tranches fines de magret de canard fumé, 1 bouquet d'orties (de jeunes orties et ramassées dans un endroit non pollué), 1 gousse d'ail, 100 grammes de cerneaux de noix et 5 cl d'huile de noix. Vous ferez toaster des tranches de baguette. Vous préparerez le pistou en écrasant au pilon des feuilles d'orties préalablement lavées, l'ail, les cerneaux de noix et l'huile de noix. Vous tartinerez généreusement chaque tranche avec ce pistou et vous poserez sur chacune d'elle une tranche de magret fumé. Miam ! Bon, je vous donne un joker, vous pouvez remplacer l'ortie par du persil ou de la roquette. Mais c'est moins drôle !


Et parmi les recettes qui célèbrent les noix de Grenoble, j'ai choisi "Le soufflé Saint Marcellin - noix". Toujours pour 4 personnes, il vous faut 80 grammes de farine, 4 oeufs, 2 Saint Marcellin, 200 grammes de fromage blanc en faisselle, 60 grammes de cerneaux de noix. Vous préchauffez votre four à 180° (th. 6). Vous coupez les Saint-Marcellin en morceaux et vous les faites fondre doucement dans une petite casserole (à feu doux). Vous séparez les blancs des jaunes d'oeuf. Vous mélangez les jaunes avec le Saint-Marcellin fondu, le fromage blanc et la farine. Vous ajoutez ensuite les cerneaux de noix hachés grossièrement. Vous battez les blancs d'oeufs en neige mousseuse et vous les incorporez délicatement au mélange précédent. Vous remplissez avec la préparation un moule à soufflé préalablement beurré et fariné. Mettez au four préalablement chauffé et comptez environ 25 minutes de cuisson. A déguster dès la sortie du four sinon ça retombe !


Pour les "becs sucrés", voici la recette ultra-simple de "Massepains aux noix" . Pour satisfaire quelques gourmands, vous prendrez 250 grammes de noix pilées, 250 grammes de sucre et 3 blancs d’œufs. Vous battez les blancs d’œufs en neige très ferme. Vous mélangez les noix pilées et le sucre puis vous les ajoutez délicatement dans les blancs d’œufs. Vous déposez des petits tas de pâte sur une tôle recouverte de papier sulfurisé. Faites cuire au four chauffée à 180° pendant environ 20 minutes et retirez dès que les massepains ont pris de la couleur. 


Et enfin pour retrouver le plaisir des apéritifs de nos arrières grands-mères, voici un petit "Vin de noix". Celui se fait avec les noix encore vertes, ramassées entre la St Jean Baptiste et la Sainte Madeleine, suivant les régions.  Vous laisserez macérer 40 noix vertes coupées en deux dans 1 litre d'eau de vie pendant 40 jours dans un récipient en verre fermé, à l'abri de la lumière. Vous filtrerez en dehors de la nouvelle lune. Puis vous ajouterez 5 litres de vin rouge et 1 kilo de sucre. Laissez reposer 40 jours à nouveau. Surtout laissez bien reposer avant de déguster car ce vin a la caractéristique de se bonifier avec le temps. Bien sûr à déguster avec modération !







Au fait, avez-vous deviné la meilleure façon de casser une noix ? Vous trouverez dans le commerce des outils des plus variés : casse-noix à vis, ouvre-noix, pinces, truc bidule à caoutchouc...

Mais pour les puristes, ceux qui veulent à la fois respecter les traditions et conserver des cerneaux entiers, c'est avec un petit maillet qu'opérera l'artiste et alors "la" grande astuce à connaître est de taper d'un coup sec au bon endroit, c'est-à-dire  sur le côté bombé de la noix et non pas sur les jointures.




Si avez du talent ou du courage ou bien tout simplement si vous aimez passer un moment convivial, inscrivez-vous au "Championnat du monde des casseurs de noix", organisé par la Confrérie de la Noix de Grenoble. A Vinay (38), en novembre 2014, le vainqueur du concours a cassé et mondé ses 50 noix en 16 minutes 20 secondes, avec 3 minutes et 20 secondes de pénalité pour les cerneaux abimés. Qui dit mieux ?

Notre batifolage sur la route de la Noix touche à sa fin, mais le Noyer a encore des choses à nous apprendre. Alors....

Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.

mercredi 8 octobre 2014

Des remèdes tout de brou



Et si le Noyer était béni des dieux ? Cela expliquerait ses nombreuses qualités, qualités mesurées bien sûr à l'aune de son utilité avec le point de vue très ethnocentrique que les Humains pose sur Dame Nature. Bien sûr, ses fruits ont régalés nos ancêtres bien avant que nos mémoires cellulaires aient enregistré le moindre petit frémissement digne de figurer dans nos arbres généalogiques. Mais cet arbre alimentaire a vu aussi, au fil des temps, chacune de ses parties utilisée à des fins médicales.

Au gré des recherches et compilations, on trouve ainsi que :


"Les feuilles de Noyer broyées dans du vinaigre calmeront le mal d'oreille". 
"On peut encore employer ces mêmes feuilles pour la brûlure, pourvu qu'on est soin de les graisser avec parties égales d'huile de noix et de cire jaune". 
"On dit que leur décoction dans de l'eau simple, a la propriété de déterger les ulcères, surtout si on y ajoute un peu de sucre".
"Son écorce verte ou sèche est un bon émétique". 
"Le suc exprimé des racines fraîches et pilées purgent très violemment", avec la précision "c'est pourquoi on ne peut en prescrire l'usage qu'aux habitants de la campagne" !
"Ses noix vertes sont cordiales, alexipharmaques et bienfaisantes dans toutes les maladies contagieuses et malignes". 
"Les coques brûlées et broyées dans du vin et dans l'huile embelliront les cheveux des enfants et soigneront l'alopécie". 
 "Tout le monde sait qu'on fait un ratafia de noix qui, surtout, quand il a été gardé longtemps, est regardé presque généralement pour un bon stomachique".

Je pourrai poursuivre avec les usages du Noyer pour combattre l'hydropisie, l'épilepsie, la goutte, la migraine, les maladies des yeux, pour faire mourir les vers, pour cicatriser les plaies, et pour combattre des maux bien plus féroces dont les seuls noms feraient trembler de peur ce blog au caractère bonhomme !


Finalement que faut-il retenir de toutes les vertus attribuées au Noyer dans le domaine de la santé ? Notre époque pléthorique en remèdes et soins de toutes sortes ne s'intéresse que piètrement aux vertus du Noyer.

Les études pharmacologiques qui ont été menées ont démontré que les feuilles de Noyer avaient un effet antidiarrhéique, grâce aux propriétés astringentes des tanins présents en grande quantité, ainsi qu'une action antimicrobien,  grâce aux propriétés antibactérienne et antifongiques de la juglone.

Les feuilles de Noyer, prises en tisanes, peuvent être utilisées contre les diarrhées et les inflammations gastro-intestinales. Si les vertus du Noyer pour le système digestif vous intéressent, vous pouvez vous tourner vers la gemmothérapie, qui utilise des macérats glycérinés des bourgeons de Noyer, notamment en cas de météorisme abdominal, de pancréatite (en l'associant avec le macérat glycériné de Bouleau), de diarrhées post-antibiotiques (en l'associant avec le macérat glycériné d'Airelle).

En application locale, la feuille de Noyer pourra s'avérer efficace pour calmer des démangeaisons du cuir chevelu et les pellicules, ou comme cicatrisant et antipurigineux dans les affections dermatologiques (crevasses, gerçures, dartres, eczéma, prurit et inflammations cutanées). Pour cela vous préparerez une décoction forte avec 4 cuillerées à soupe de feuilles de Noyer pour 1/2 litre d'eau que vous utiliserez en lotion une fois refroidie. A essayer également en bain des mains ou des pieds en cas de transpiration excessive.

En phytothérapie traditionnelle, les feuilles de Noyer sont réputées avoir des propriétés stimulant pancréatique et entrent dans la composition de tisanes à prendre en cas de diabète (celui dit "gras"), en complément des régimes alimentaires et des traitements médicamenteux adaptés. Elles pourront contribuer à améliorer la glycémie et à réduire la soif et les mictions trop fréquentes des diabétiques. Rapprochez-vous de votre herboriste préféré pour prendre conseil.





Pour tous, et afin de finir en beauté, d'après Marie-Antoinette Mulot, herboriste émérite (1919-1999), rien ne vaut un bain aux feuilles de Noyer pour rendre la peau douce, élastique, tout en calmant d'éventuelles rougeurs ou démangeaisons. Pour cela, vous ferez bouillir 4 poignées de feuilles de Noyer pendant 2 à 3 minutes dans 2 litres d'eau. Après avoir filtré, vous ajouterez cette décoction à l'eau de votre bain. Bon bain !




Allons, c'est promis, je ne terminerai pas mon article Z'amoureux sur le Noyer sans vous donner des recettes à se pourlécher les babines. Alors, .....

Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.


dimanche 5 octobre 2014

Je suis descendu au jardin des Noyers



Tout d'abord, tordons le cou aux croyances peureuses et rétrécies qui font du Noyer un arbre à l'ombre maléfique ! Qui n'a pas entendu la sentence, rapportée d'un soit-disant ancêtre au bon sens paysan, d'un conseil d'apothicaire antique, voire d'une pseudo-sagesse médio-orientale ? Je veux parler du fameux conseil : "Ne jamais s'endormir sous un Noyer !". Vous risqueriez, au choix, de ne jamais vous réveiller, d'être enlevés par des sorcières jalouses de leur territoire, ou pire encore .... de vous enrhumer !!! Il est vrai que l'ombre du Noyer est très fraîche, voire froide en été en raison de ses feuilles épaisses et si vous êtes trempés de sueur, allez plutôt trouver un petit Frêne, Érable ou Aubépine qui vous offriront une ombre légère et aérée. 

Le Cantique des cantiques, en donne une vision plus affectueuse.
"Au jardin des noyers je suis descendu
pour voir les jeunes pousses du torrent,
pour voir si la vigne bourgeonne,
si les grenadiers fleurissent.
Je ne connaissais pas mon désir profond,...."extrait du 9ème chant

Et donc, au jardin des Noyers, que vais-je trouver ?


Et bien, tout d'abord un bois de grande renommée. Le Noyer donne un bois dur, au grain fin, brun roux, fortement veiné, avec des teintes différentes. On utilise surtout le bois de coeur résistant et qui prend bien le poli. Il offre une variété d'aspects : veiné, ronceux, moucheté, flambé, moiré, chenillé, etc. Sont recherchées également les "loupes" qui se forment parfois sur les grosses branches ou sur le tronc ou bien les "ronces" qui peuvent se former à la souche, car elles présentent de magnifiques dessins. Le bois du Noyer, a été utilisé, au-delà de l'ébénisterie, pour des plafonds et des planchers, des placages muraux, divers ustensiles ménagers, des semelles de sabots, des jeux de quilles, des tableaux de bord de voitures de prestige, et même des crosses de fusils. 

Le bois de noyer a tendance à se colorer sous l'action de l'humidité et de la chaleur. Le Noyer est d'ailleurs une merveilleuse source de colorants.


Ainsi, le brou, la pulpe qui entoure la noix, est utilisé depuis fort, fort, fort, fort longtemps pour colorer les bois clairs. Déjà toute petite, je me noircissais les doigts et parfois le bout du nez, en écrabouillant consciencieusement des morceaux de brou des noix tombées à terre pour redonner un second éclat à ma table de dînette rendue toute clairette par un séjour prolongé au soleil tout au long de cette période bénie des vacances d'été qui me voyait quitter enfin la ville grise et poussiéreuse pour de verdoyantes campagnes !


Pour teinter les étoffes, le Noyer est également très intéressant. Les Perses mais aussi les Gaulois en faisaient grand usage. Toutes les parties du Noyer peuvent être utilisées. Ainsi, comme l'indique l'ouvrage "Plantes à teinter", les feuilles cueillies en août, hachées et cuites dans l'eau donnent un ton "musc-doré", les racines séchées, broyées et bouillies donnent une couleur qui va du "fauve" à "castor". Mais c'est surtout le brou qui est recherché pour les teintes gris-marron qu'on en tire. Colbert classa en 1671 le "Brou de noix", qui est le liquide brun obtenu par décoction de cette pulpe, comme ingrédient de" bon et grand teint".

Voici une recette pour teinter de la laine en marron lumineux, tiré de l'ouvrage cité ci-dessus. Pour 300 grammes de laine, vous utiliserez 300 grammes de feuilles de Noyer fraîches (cueillies en fin d'été de préférence). Vous mettrez les feuilles dans une bassine émaillée ou en inox, vous les couvrirez avec 3 litres d'eau et vous laisserez macérer pendant 5 jours. Après avoir versé le jus filtré dans la cuve de teinture, vous l'allongerez avec 2 litres d'eau. Montez la température et plongez y les écheveaux de laine quand le liquide est tiède. Continuez à chauffer jusqu'à ébullition et maintenir l'ébullition pendant 1h30. Ensuite, sortez la laine avec une écumoire et faites-la égoutter. Rincez la laine à grand eau puis laissez la sécher.

Le principe colorant que l'on trouve dans toutes les parties de l'arbre, et concentré dans le brou, est fait de flavonoïdes, comme la quercitine, de tanins dérivés de l'acide gallique et de la juglone. C'est la juglone (5 hydroxy-1, 4 napthoquinone pour les chimistes) qui inhibe la germination et la croissance des plantes autour d'un Noyer. Il semble que toutes les plantes ne soient pas sensibles à cette substance toxique. Mais évitez quand même de placer votre potager juste au pied d'un Noyer !

Au jardin des Noyers, que vais-je encore trouver ?

Mais des soins par milliers, pour garder la santé ....Alors, suivez-moi un peu plus avant sur la route de la Noix.

Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.

mercredi 1 octobre 2014

A la découverte du Noyer



Dans ce qu'il est de bon ton d'appeler l'Ile-de-France, il reste des coins de campagne où le Noyer s'ensauvageonne doucement. Planté anciennement d'une main humaine ou subspontané par la grâce des animaux, il étale ses ramures fortes au bout d'un tronc assez court, en une cime haute, large et arrondie. C'est toujours avec bonheur que les promeneurs découvrent les noix qu'il laisse tomber négligemment sur le chemin, redécouvrant ainsi le plaisir du don gratuit. Car ces noyers abandonnés depuis longtemps appartiennent à tous et aucun propriétaire ne réclame son dû ....jusqu'à ce que le terrain ayant pris de la valeur, des lots de maisonnettes viennent y planter leurs fondations.


Le Noyer est arbre de Jupiter, son nom de genre Juglans venant du latin Jovis glans (= gland de Jupiter). Il existe une quinzaine d'espèces de Noyer qui poussent dans les zones tempérées et chaudes de l'hémisphère nord, en particulier en Eurasie. Le Noyer commun de nos régions est le Juglans regia, le Noyer royal. Et oui, dans la famille Noyer (les Juglandacées) le commun n'est jamais vulgaire !

A quoi reconnait-on notre Noyer commun ? A ces fruits bien sûr, avec son noyau ligneux (la noix), entouré d'une enveloppe charnue verte et odorante (le brou). Ses feuilles sont composées pennées avec 5 à 9 folioles. Elles sont lisses et fermes, d'un vert plutôt clair,  avec une odeur agréable. Son écorce est d'un gris mat, lisse les premières années puis cannelée. Quant aux fleurs, il y a sur le même arbre, entre avril et mai, des fleurs mâles, en forme de chatons, et des fleurs femelles peu visibles, situées à l’extrémité des rameaux.

En dehors de quelques intentions paysagères avec des variétés ornementales, les Noyers sont cultivés pour leur bois et bien sûr pour leurs fruits. Nous avons en France deux régions réputées pour la cultures des "Noyers-fruits" : le Dauphiné et le Sud-Ouest. Dans la catégorie noix de Grenoble, vous rencontrerez la "Parisienne" vigoureuse à fruits petits et arrondis, coque mi-dure, la "Franquette" rustique à fruits allongés et à coque rugueuse, la "Mayette" à fruits gros, pointus et aplatis à une extrémité (elle tient debout) et à coque mince et claire. Dans la catégorie noix du Périgord, vous trouverez la "Corne" tardive, la "Grandjean", la "Marbot". Mais il existe de nombreuses autres variétés locales qui n'attendent que votre curiosité.



Dans l'ancien temps, c'est avec une grande perche, la gaule, que l'on incitait les noix les plus paresseuses à quitter leur branches (certains racontent que la gaule a été inventée par nos ancêtres les Gaules-Noix !). Il fallait au nuciculteur du muscle et de l'adresse pour gauler les noix. De nos jours, ce sont des tracteurs munis de "vibreurs à noix", qui vrombissent dans les "noyeraies". C'est très efficace (3 minutes par arbre suffisent) mais nettement moins sportif ! L’énoisage consiste à casser la coquille puis à en séparer les cerneaux. On appelle cela également "monder" les noix. C'est une opération délicate si on veut garder les cerneaux entiers.  Je vous adresse là une petite devinette : quelle est la meilleure méthode pour casser une noix ? Réponse dans la suite de mon article Z'amoureux sur le Noyer !

Auparavant, j'aimerai explorer avec vous divers usages du Noyer. Car comme le souligne Pierre Lieutaghi dans le "livre des arbres, arbustes et arbrisseaux" : "Donner des fruits précieux, des feuilles médicinales ..., un bois exceptionnel et disposer d'une étendue deux ou trois fois millénaire pour envahir les arts médicinaux, culinaires ou industriels, cela suffit à expliquer l'abondance des usages traditionnels du Noyer ..."

Donc, parcourons ensemble la route de la Noix ....

Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.