dimanche 5 octobre 2014

Je suis descendu au jardin des Noyers



Tout d'abord, tordons le cou aux croyances peureuses et rétrécies qui font du Noyer un arbre à l'ombre maléfique ! Qui n'a pas entendu la sentence, rapportée d'un soit-disant ancêtre au bon sens paysan, d'un conseil d'apothicaire antique, voire d'une pseudo-sagesse médio-orientale ? Je veux parler du fameux conseil : "Ne jamais s'endormir sous un Noyer !". Vous risqueriez, au choix, de ne jamais vous réveiller, d'être enlevés par des sorcières jalouses de leur territoire, ou pire encore .... de vous enrhumer !!! Il est vrai que l'ombre du Noyer est très fraîche, voire froide en été en raison de ses feuilles épaisses et si vous êtes trempés de sueur, allez plutôt trouver un petit Frêne, Érable ou Aubépine qui vous offriront une ombre légère et aérée. 

Le Cantique des cantiques, en donne une vision plus affectueuse.
"Au jardin des noyers je suis descendu
pour voir les jeunes pousses du torrent,
pour voir si la vigne bourgeonne,
si les grenadiers fleurissent.
Je ne connaissais pas mon désir profond,...."extrait du 9ème chant

Et donc, au jardin des Noyers, que vais-je trouver ?


Et bien, tout d'abord un bois de grande renommée. Le Noyer donne un bois dur, au grain fin, brun roux, fortement veiné, avec des teintes différentes. On utilise surtout le bois de coeur résistant et qui prend bien le poli. Il offre une variété d'aspects : veiné, ronceux, moucheté, flambé, moiré, chenillé, etc. Sont recherchées également les "loupes" qui se forment parfois sur les grosses branches ou sur le tronc ou bien les "ronces" qui peuvent se former à la souche, car elles présentent de magnifiques dessins. Le bois du Noyer, a été utilisé, au-delà de l'ébénisterie, pour des plafonds et des planchers, des placages muraux, divers ustensiles ménagers, des semelles de sabots, des jeux de quilles, des tableaux de bord de voitures de prestige, et même des crosses de fusils. 

Le bois de noyer a tendance à se colorer sous l'action de l'humidité et de la chaleur. Le Noyer est d'ailleurs une merveilleuse source de colorants.


Ainsi, le brou, la pulpe qui entoure la noix, est utilisé depuis fort, fort, fort, fort longtemps pour colorer les bois clairs. Déjà toute petite, je me noircissais les doigts et parfois le bout du nez, en écrabouillant consciencieusement des morceaux de brou des noix tombées à terre pour redonner un second éclat à ma table de dînette rendue toute clairette par un séjour prolongé au soleil tout au long de cette période bénie des vacances d'été qui me voyait quitter enfin la ville grise et poussiéreuse pour de verdoyantes campagnes !


Pour teinter les étoffes, le Noyer est également très intéressant. Les Perses mais aussi les Gaulois en faisaient grand usage. Toutes les parties du Noyer peuvent être utilisées. Ainsi, comme l'indique l'ouvrage "Plantes à teinter", les feuilles cueillies en août, hachées et cuites dans l'eau donnent un ton "musc-doré", les racines séchées, broyées et bouillies donnent une couleur qui va du "fauve" à "castor". Mais c'est surtout le brou qui est recherché pour les teintes gris-marron qu'on en tire. Colbert classa en 1671 le "Brou de noix", qui est le liquide brun obtenu par décoction de cette pulpe, comme ingrédient de" bon et grand teint".

Voici une recette pour teinter de la laine en marron lumineux, tiré de l'ouvrage cité ci-dessus. Pour 300 grammes de laine, vous utiliserez 300 grammes de feuilles de Noyer fraîches (cueillies en fin d'été de préférence). Vous mettrez les feuilles dans une bassine émaillée ou en inox, vous les couvrirez avec 3 litres d'eau et vous laisserez macérer pendant 5 jours. Après avoir versé le jus filtré dans la cuve de teinture, vous l'allongerez avec 2 litres d'eau. Montez la température et plongez y les écheveaux de laine quand le liquide est tiède. Continuez à chauffer jusqu'à ébullition et maintenir l'ébullition pendant 1h30. Ensuite, sortez la laine avec une écumoire et faites-la égoutter. Rincez la laine à grand eau puis laissez la sécher.

Le principe colorant que l'on trouve dans toutes les parties de l'arbre, et concentré dans le brou, est fait de flavonoïdes, comme la quercitine, de tanins dérivés de l'acide gallique et de la juglone. C'est la juglone (5 hydroxy-1, 4 napthoquinone pour les chimistes) qui inhibe la germination et la croissance des plantes autour d'un Noyer. Il semble que toutes les plantes ne soient pas sensibles à cette substance toxique. Mais évitez quand même de placer votre potager juste au pied d'un Noyer !

Au jardin des Noyers, que vais-je encore trouver ?

Mais des soins par milliers, pour garder la santé ....Alors, suivez-moi un peu plus avant sur la route de la Noix.

Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.

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