mercredi 21 novembre 2012

La cénelle entre en scène


Le fruit de l'Aubépine est appelé communément cénelle. Chez les deux Aubépines les plus courantes par chez nous (Crataegus monogyra et Crataegus laevigata), c'est un fruit avec peu de chair et au goût farineux et fade. Ne nous décourageons pas pour autant. La créativité culinaire des humains, et pour ce qui est de l'Aubépine, depuis les temps préhistoriques, a réussi à en tirer du bon.

Que faire donc avec ces cénelles que vous allez récolter à l'automne sur vos haies champêtres ? Bien sûr, vous ne ferez pas de cueillette sans avoir vérifier avec des connaisseurs qu'il s'agit bien des fruits de l'Aubépine, la nature étant pleine d'autres petites boules rouges bien toxiques.

Riche en amidon, ces cénelles pourront tout d'abord venir compléter la farine de blé dans des biscuits. Et pour plus d'originalité, vous pouvez l'associer aux châtaignes, autre "fruit à pain" de nos forêts, comme dans la recette de Biscuits d'automne que voici : Vous ferez tout d'abord une purée épaisse en faisant cuire 250 grammes de cénelles dans un petit quart de litre d'eau pendant 20 minutes. Vous passerez au "moulin à légumes" en vous aidant du liquide, puis vous passerez la purée obtenue à travers une passoire à grillage fin, pour être sûr d'éliminer tous les noyaux et autres débris. Vous devriez obtenir environ 150 g de purée épaisse de cénelles que vous mélangerez avec 150 g de purée de châtaignes, 40 g de sucre, un peu de poudre levante, 1 cuillerée à soupe de miel de châtaignier, 40 g de beurre ramolli, un gros oeuf et une petite poignée de cerneaux de noix concassées grossièrement. Si la pâte est trop molle, ajoutez un peu de fécule de maïs. Sur une tôle garnie de papier sulfurisé, déposez des petits tas bien espacés, environ 1 cuillère à soupe. Cuisson: une dizaine de minutes au four préchauffé à 220°. 

Avec la purée de cénelles, vous pouvez aussi préparer une Sauce aux cénelles pour accompagner des céréales ou des côtes de porc grillées. Pour cela, vous ferez blondir 1 belle échalote hachée et 1 gousse d'ail dans un fond d'huile d'olive, vous ajouterez 2 cuillerée à soupe de vin rouge et du thym puis un peu de la purée de cénelles préparée comme ci-dessus. Assaisonnez de sel et de poivre à votre convenance.

Pour amuser vos enfants, aidez les à préparer la Boisson du Sansonnet. Il vous faudra une vingtaine de cénelles et un demi-citron pour 1 litre d'eau. Vous écraserez légèrement les cenelles et les ferez bouillir dans 1 litre d’eau, pendant 10 minutes. Puis vous laisserez infuser pendant 1 heure. Ajoutez le jus de citron. Filtrez  et versez dans une bouteille. A boire frais. 

Quant aux adultes, il pourront apprécier un Ratafia de cénelles. Vous cueillerez 50 grammes de cénelles vers la Toussaint. Vous les mettrez à macérer avec 2 grammes de cannelle en poudre et quelques grains de coriandre dans 1 litre d'eau-de-vie à 40° pendant 6 semaines. Vous filtrerez le liquide et ajouterez un sirop préparé avec 20 morceaux de sucre et un verre d'eau. Mélangez bien et laissez vieillir 6 mois minimum avant de déguster.


Si vous habitez au sud du 45ème parallèle, vous aurez peut-être la chance de fréquenter une autre espèce  d'Aubépine, Crataegus azérolus, appelée l'Azérolier. Sous climat méditerranéen, l'Azérolier produit des fruits comestibles acidulés nommés également cénelles, mais aussi azeroles ou même  pommettes dans le sud de la France. Ils sont surtout utilisés en gelée ou confiture. On peut en trouver sur certains marchés d'Italie ou d'Espagne.

Lilou Clary, la Nîmoise, veut réhabiliter l'Azérolier : « Quand nous étions petits, c’était notre arbre de prédilection à la rentrée scolaire. Celle-ci s’effectuait au début du mois d’octobre, au moment où les azeroles sont bonnes à cueillir, ce qui nous occupait le jeudi. Malheureusement de nos jours, seules les personnes âgées connaissent encore les "azoroles", comme on dit à Saint-Césaire (quartier de Nîmes), et leur goût un peu acidulé. » Lilou sait comment en faire des gelées d’une couleur extraordinaire : « un rose translucide qu’un sommelier qualifierait de cuisse de nymphe émue ».

Pour la sauvegarde du patrimoine, voici donc la recette de Lilou la Nîmoise :
Bien laver les azeroles pour éliminer la poussière et les feuilles éventuellement cueillies par mégarde. Dans une bassine ou un chaudron mettre les azeroles, les couvrir d’eau (4 litres pour 1 kg 500 de fruits) et les faire cuire pendant 1 heure 20 mn à feu vif. L’azerole sera cuite lorsqu’elle aura pâli et s’écrasera entre vos doigts. C’est à ce stade-là que votre patience risque fort d’être mise à rude épreuve ; mais restez zen, la gelée se mérite. Prélevez aussitôt les azeroles par petites quantités et pressez-les dans une étamine en tordant : il sort une substance un peu épaisse et lisse – la pectine – dont vous ne devez pas perdre 1 gramme. Mettez-la au fur et à mesure dans un récipient.  Lorsqu’il ne reste plus d’azeroles, filtrez soigneusement le jus de cuisson. Mélangez le jus de cuisson filtré et la pectine recueillie, pesez l'ensemble et  reversez dans la bassine à confiture en ajoutant 700 g de sucre en poudre pour 1 kg de liquide. Mélangez bien pour faire fondre le sucre et mettez à cuire à feu vif pendant 20 mn. Arrêtez le feu et laissez refroidir ; puis reprenez la cuisson, toujours à feu vif, jusqu’à ce que le jus s’épaississe en prenant sa belle couleur rosée en se mettant à chanter : d’abord à petits bouillons puis avec des bulles plus grosses. Tester la tenue de la gelée en mettant une goutte sur une assiette froide. Mettez en pots, laissez refroidir et fermez bien.

Pouf ! pouf ! "j'ai bien mangé, j'ai bien bu, merci petit Jésus !" comme le chantait la tradition. Et justement c'est de ces traditions du mois de mai auxquelles participe l'Aubépine que j'aimerai vous parler pour la fin de mon article.


Merci de votre visite et à bientôt !

Philomènement vôtre.


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