"Par les jours de chaleur, vers midi, quand les talus font silence, le gai fenouil offre ses ombelles jaunes aux insectes fatigués des danses matinales, et les petites bêtes d'un jour qui somnolent maintenant dans les fleurs, ont uni de leurs pattes pressées le pollen au stigmate, sans savoir qu'elles étaient de noces. Quel botaniste n'a rêvé d'être un jour l'hôte des fleurs, de s'allonger dans un pétale et d'écouter passer les sèves ? Qu'il ferait bon de dormir dans le fenouil ! ".
Qu'il ferait bon de dormir dans un Fenouil ! Ce n'est pourtant pas sous cette posologie qu'Hildegarde de Bingen conseille l'utilisation du Fenouil pour chasser la tristesse de l'âme et du corps.
Pierre Lieutaghi, Le Livre des bonnes herbes.
Qu'il ferait bon de dormir dans un Fenouil ! Ce n'est pourtant pas sous cette posologie qu'Hildegarde de Bingen conseille l'utilisation du Fenouil pour chasser la tristesse de l'âme et du corps.
Avec la proclamation par le pape Benoît XVI, le 7 octobre 2012, d'Hildegarde de Bingen comme Docteur de l'Église, affirmant par là "l'exemplarité de la vie mais aussi des écrits d'Hildegarde comme modèle pour tous les catholiques", il est fort probable que vous connaissiez déjà cette femme du moyen-âge, exceptionnelle à plus d'un titre.
Hildegarde de Bingen a vécu au XIIe siècle en Allemagne, dans la région de Rhénanie. Née en 1098 et décédée en 1179, son existence se déroule dans un siècle troublé : en Europe, l’empereur du Saint Empire et la papauté se disputent la suprématie en matière politique, cependant que de nombreux évêques et abbés se soucient davantage du pouvoir et de l’argent que du salut de leurs ouailles. C’est l’époque des Croisades et de la répression sanglante des hérésies. Mais depuis le monastère de Disibodenberg, puis en tant qu'abbesse de monastères à Bingen, Hildegarde va peu à peu devenir un personnage public de premier plan, reconnu comme tel par le pape, l’empereur et saint Bernard , ses nombreux voyages et sa correspondance abondante en attestent.
Grâce aux manuscrits qui sont arrivés jusqu'à notre époque, nous pouvons avoir une trace de son savoir immense et varié. Ce savoir est d'ailleurs représentatif de l’unité des connaissances de l’époque, loin des spécialisations disciplinaires postérieures : visions, chant sacré, médecine ne font qu’un et se pensent comme un don de Dieu. L'étendue de son savoir permet donc à ceux qui le découvrent de voir en Hildegarde tantôt une naturaliste, une doctoresse, une musicienne, une prophétesse, etc.
De nos jours, certains se réfèrent à Hildegarde de Bingen comme base de soins de santé, notamment en matière de phytothérapie. Parmi les ouvrages, "Physica" et "Causae et Curae" présentent son savoir naturaliste et médical. Ce savoir est en phase avec les concepts médicaux de l'époque mais s'y ajoute des éléments de la médecine monastique empirique et du savoir populaire. Ce qui représente pour nous un témoignage précieux sur la médecine de cette époque.
De nos jours, certains se réfèrent à Hildegarde de Bingen comme base de soins de santé, notamment en matière de phytothérapie. Parmi les ouvrages, "Physica" et "Causae et Curae" présentent son savoir naturaliste et médical. Ce savoir est en phase avec les concepts médicaux de l'époque mais s'y ajoute des éléments de la médecine monastique empirique et du savoir populaire. Ce qui représente pour nous un témoignage précieux sur la médecine de cette époque.
Ce qui marque toutefois le plus les lecteurs de notre époque c'est la vision "cosmo-anthropologique" d'Hildegarde : le Cosmos et l'Homme sont en inter-relation, ils sont issus de la même symphonie de l'Esprit et s'influencent mutuellement.
"De même que les éléments constituent le monde, de même ces éléments assurent au corps humain sa structure, et ils répartissent à travers l'homme leur expansion et leurs fonctions de telle manière que, par eux, il est maintenu en vie, comme ils sont répandus à travers le monde et y agissent. Dans l'homme, il y a du feu, de l'air, de l'eau et de la terre, et c'est d'eux qu'il est constitué. Du feu, il tient la chaleur du corps, de l'air le souffle, de l'eau le sang, et de la terre la substance des muscles et des os. Au feu il doit la vue, à l'air l'ouïe, à l'eau le mouvement, et à la terre sa marche."
Hildegarde partage avec son époque une conception dynamique de la Création, qui connaît dans le temps une alternance de phases de croissance et de décroissance, de chaleur et de froid, de sécheresse et d’humidité. Sa vision de l'Homme est holistique et unitaire, elle embrasse donc les notions de physique, de mental, de sentiment et de spirituel.
Les pathologies sont considérées comme venant toujours d'un déséquilibre. Ainsi, Hildgarde va expliquer la tristesse et la colère avec leurs impacts sur la santé de la façon suivante : "Lorsque l'âme de l'homme a senti quelque chose de nocif pour elle ou pour son corps, le cœur, le foie et les vaisseaux sanguins se contractent. De la sorte il s'élève au cœur comme un nuage qui assombrit le cœur de sorte que l'homme devient triste. Après la tristesse s'élève la colère. Quand l'homme a compris d'où lui vient la tristesse, alors ce nuage de tristesse qui a affecté son cœur produit une chaude fumée dans toutes les humeurs autour de la bile, met la bile en mouvement, et ainsi de l'acidité biliaire se produit la colère silencieusement. Si la colère n'a pas cessé, ce gaz s'étend sur la bile noire, l'excite, et celle-ci émet un nuage noir qui passe sur la bile...celui-ci passe au cerveau et fait perdre la tête. Puis il descend au ventre...et fait devenir l'homme insensé. L'homme s'oublie et la colère éclate. Et souvent par la colère l'être humain contracte de graves maladies, les acides biliaires et la bile noire maintes fois rendent l'homme malade"
Les pathologies sont considérées comme venant toujours d'un déséquilibre. Ainsi, Hildgarde va expliquer la tristesse et la colère avec leurs impacts sur la santé de la façon suivante : "Lorsque l'âme de l'homme a senti quelque chose de nocif pour elle ou pour son corps, le cœur, le foie et les vaisseaux sanguins se contractent. De la sorte il s'élève au cœur comme un nuage qui assombrit le cœur de sorte que l'homme devient triste. Après la tristesse s'élève la colère. Quand l'homme a compris d'où lui vient la tristesse, alors ce nuage de tristesse qui a affecté son cœur produit une chaude fumée dans toutes les humeurs autour de la bile, met la bile en mouvement, et ainsi de l'acidité biliaire se produit la colère silencieusement. Si la colère n'a pas cessé, ce gaz s'étend sur la bile noire, l'excite, et celle-ci émet un nuage noir qui passe sur la bile...celui-ci passe au cerveau et fait perdre la tête. Puis il descend au ventre...et fait devenir l'homme insensé. L'homme s'oublie et la colère éclate. Et souvent par la colère l'être humain contracte de graves maladies, les acides biliaires et la bile noire maintes fois rendent l'homme malade"
Pour aider à rétablir un équilibre, Hildegarde va s'adresser à des remèdes de sources variées : les plantes bien sûr, mais aussi les pierres, les animaux, l'astrologie et même des invocations et rituels. L'alimentation y joue un rôle important, suivant par là, le principe d'Hippocrate "que ton aliment soit ton médicament".
Parmi les plantes considérée comme "bonne contre la tristesse", il y a le Fenouil : "Le Fenouil contient une chaleur douce et sa nature n'est ni sèche, ni froide. De quelque façon qu'on le mange, il rend le coeur joyeux; il procure une bonne sueur et assure une bonne digestion."
Au gré de ses recettes de santé, on retrouvera le Fenouil conseillé pour divers maux et sous des modalités variées : infusion, cataplasme, vin, pain et galette, etc., ou tout simplement croqué cru (graines) contre la mauvaise haleine par exemple.
Hildegarde préconise souvent de mélanger des plantes afin de créer une synergie de leurs actions. Ainsi, en cas de rhume, il est conseillé une fumigation au Fenouil, faite de la façon suivante : vous ferez chauffer une brique ou une tuile sur le feu, vous poserez dessus une poignée de Fenouil et quatre fois plus d'Aneth, vous respirerez les fumées, puis une fois le Fenouil et l'Aneth cuits de la sorte, vous les mangerez avec du pain. Hildegarde précise : "On fera cela trois ou quatre ou cinq jours jusqu'à ce que cet écoulement de la tête et des narines se fasse plus doucement et que les humeurs s'écoulent plus calmement. Car la chaleur et l'humidité du Fenouil rassemblent les humeurs qui sont anormalement diffusées et répandues et les resserrent; le froid et le sec de l'Aneth les dessèchent."
Sur le thème du "coeur joyeux" difficile de passer à côté des célèbres "biscuits de la joie" d'Hildegarde : "Prendre une noix de muscade, un poids égal de cannelle, et un peu de giroflier; réduire en poudre; avec cette poudre, de la fleur de farine et un peu d'eau, faire des petites galettes et en manger souvent: cette préparation adoucit l'amertume du corps et de l'esprit, ouvre le cœur, aiguise les sens émoussés, rend l'âme joyeuse, purifie les sens, diminue les humeurs nocives, apporte du bon suc au sang, et fortifie."
Voici une transposition moderne de cette recette, pour une dizaine de biscuits : Préchauffez le four à 180°, faites fondre doucement le beurre (50 g), mélangez y du miel (20 g), du sucre de canne (30 g), un jaune d’oeuf, une pincée de sel et les épices suivantes finement broyés : 3 g de cannelle, 3 g de muscade, 3 clous de girofle. Passez la farine d'épeautre au tamis (125 g) et incorporez au reste de la pâte, pétrissez puis étalez la pâte sur un plan fariné (pas trop mince). Découpez les biscuits à l'emporte pièce. Glissez au four sur une plaque revêtue de papier sulfurisé, laissez cuire entre 10 à 12 minutes en surveillant la cuisson.
Les compositions musicales d'Hildegarde de Bingen sont également bien connues des amateurs de musique sacrée, fascinés par la rythmique fluide et libre, par la subtilité des enrichissements fleuris ajoutés à la ligne mélodique, son sens des répétitions, ses envolées qui invitent à la méditation. Je vous conseille d'aller faire un tour sur le lien suivant pour écouter un extrait des "chants de l'extase" : O vis aeternitatis.
Le génie exceptionnel d'Hildegarde se révèle enfin dans la dimension théologique de ses visions qu'elle commença à décrire et commenter à partir de sa quarante troisième année, utilisant un langage largement poétique et symbolique. Bernard de Clairvaux, qui assiste au synode réuni à Trèves, à la fin de 1147, par le pape Eugène III, déclara qu'il faut "se garder d’éteindre une aussi admirable lumière animée de l’inspiration divine".
Pour rester dans le ton de cette mystique lumineuse, j'emprunte à sainte Hildegarde de Bingen la dédicace de cet article :
"La lumière que je regarde
n'est pas liée à un endroit particulier.
Et tant que je la regarde,
toute peur et tristesse me sont enlevées."
Je termine là mon article Z'amoureux sur le Fenouil et vais maintenant vous emmener sur les prairies montagneuses, pour découvrir "G" comme "Gentiane".
Merci de votre visite et à bientôt !
Philomènement vôtre.
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